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Mario Raskin
Les 20 et 21 août 2022, avait lieu la vingtième édition des Rencontres Musicales Gourmandes de Rou-Marson. Dans la charmante église Sainte-Croix et dans le parc du château de Marson se sont déroulés concerts, petit déjeuner, déjeuner, goûters et dîners, ceux-ci toujours en musique.
Pour ma part, j’ai assisté au concert du trio Coulicam, au petit déjeuner dans le parc du château, dimanche matin, avec la chanteuse Auristelle, et le samedi à 18h30, au concert de clôture, le dimanche à 17h30, avec le quatuor Accolade.
Ce jour-là, le trio Coulicam était composé de Mario Raskin au clavecin, Laetizia Tuza au violoncelle et Christophe Mourault au violon. D’origine argentine, le claveciniste est un interprète reconnu pour sa vision personnelle et créative de la littérature musicale des XVII° et XVIII° siècles. Depuis quelques années, il anime cet ensemble en compagnie de ses musiciens et il a assuré pendant sept ans la direction artistique du festival de la Saison Musicale de Montsoreau. Laetitiza Tuza pratique le violoncelle depuis son enfance et a beaucoup joué dans des ensembles baroques. Elle étudie également l’orgue depuis 2015. Quant à Christophe Mourault, il s’est spécialisé en violon, violon ancien et violon baroque, tout en ayant suivi un cursus de chant de la Renaissance. Il s’intéresse à des répertoires très variés.
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Laetitia Tuza
Sous la très belle et très rare charpente gothique à chevrons-formant-ferme, caractérisée par l’absence de panne faîtière, de pannes intermédiaires et de liernes, ont résonné les œuvres de Telemann, Haendel, Scarlatti, Vivaldi et Bach.
De l’œuvre immense et variée de Telemann, au nombre de 6000, Mario Raskin avait retenu la Sonate pour violon et basse continue et la Sonate pour violoncelle et basse continue. Elles ont permis aux deux jeunes instrumentistes de nous donner d’emblée la mesure de leur talent. J’aime beaucoup les œuvres en basse continue, avec ce registre grave tenu pendant le morceau.
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Christophe Mourault
Mario Raskin nous a ensuite proposé une des suites pour clavecin, éditées sous le contrôle du compositeur en 1720, la Suite pour clavecin en fa mineur. Le compositeur précise en effet dans la préface : « Je me suis trouvé dans l'obligation de publier les leçons ci-après en raison des copies incorrectes qui en ont été faites à l'étranger, et cela à mon insu. » À plusieurs égards, les huit suites du recueil de 1720 démontrent l'indépendance d'esprit de Haendel. Quant à la forme de ces œuvres, si l'origine en est évidemment la suite française, la structure traditionnelle, groupant dans l'ordre allemande, courante, sarabande et gigue, n'y est pas respectée de façon rigoureuse. Au contraire, Haendel les parsème de pièces de facture et de nom italiens. La première partie s’est achevée avec la Sonate pour violon et basse continue en fa majeur du même compositeur.
La seconde partie était consacrée à trois sonates de Scarlatti (K511, K213, K512), à la Sonate pour violoncelle et basse continue (celle que j’ai préférée) de Vivaldi et à la Sonate pour violon et basse continue BWV1021 de Bach. Scarlatti a composé 555 sonates pour clavecin d'une originalité exceptionnelle et pour la plupart inédites de son vivant. Avec ce corpus, il est l'un des compositeurs majeurs de l'époque baroque car le clavecin fut le medium idéal pour exprimer son génie de compositeur et son art de jouer de cet instrument. Si on reconnaît de suite une sonate de Scarlatti, « cette architecture si invariable et si typée à la fois… n'engendre aucune monotonie ». « L’ivresse digitale » réservera toujours des surprises à l’auditeur. Ces sonates sont construites selon une coupe en quatre mouvements, lent-vif-lent-vif. Le violoncelliste Jean-Guihen Queyras évoque la « force évocatrice de cette musique », qui selon lui, conduit parfois à une expérience presque sensorielle. Les mouvements sont généralement basés sur des motifs de danse.
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Le concert s’est achevé avec la Sonate pour violon et basse continue BWV1021. Cette sonate fut découverte en 1928. Le chiffrage de la basse continue a été soigneusement détaillé par Bach lui-même, probablement à des fins didactiques, ses quatre mouvements contrastés respectant par ailleurs le modèle corellien de la sonata da chiesa, la sonate d’église. Il s’agit d’une œuvre instrumentale, comportant trois ou quatre mouvements, voire plus, en usage aux xviie et xviiie siècles. C'est l'une des formes importantes de la période dite "baroque" de la musique. Son nom la distingue de la sonata da camera (sonate de chambre) : leurs caractères musicaux respectifs les destinaient à une exécution dans des lieux et pour des circonstances différentes, même si les formes présentent des similitudes certaines.
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Ce très beau concert a remporté un vif succès. Pour ma part, j’ai été particulièrement séduite par l’association de ces trois musiciens – deux très jeunes et un plus âgé - et par l’harmonie qui règne entre eux. J’aime la sonorité du clavecin qui me plonge dans un XVIII° rêvé, celui de Farinelli, de Barry Lindon ou des Liaisons dangereuses. Je suis sensible à la succession de ces mouvements lents puis vifs qui apportent une multitude de couleurs aux œuvres, nous faisant passer de la mélancolie à l’allégresse. J’ai apprécié la structure de ce concert, composé surtout de sonates, une forme qui deviendra un genre majeur aux XIX° et XX° siècles. Et je reconnais bien volontiers avec Milan Kundera que l’on peut « s’enivrer avec une sonate ».
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