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"L'Enchantement du Vendredi Saint" se trouve à l'acte III du Parsifal de Wagner, si souvent cité dans La Recherche. "Cet air exprime la miséricorde de Dieu et l’éveil de la nature au moment de Pâques". Proust y fait notamment allusion dans A l'ombre des jeunes filles en fleurs : « Il me suffisait pour avoir la nostalgie de la campagne, qu’à côté des névés du manchon que tenait Mme Swann, les boules de neige […] me rappelassent que l’Enchantement du Vendredi Saint figure un miracle naturel auquel on pourrait assister tous les ans si l’on était plus sage, et aidées du parfum acide et capiteux de corolles d’autres espèces dont j’ignorais les noms et qui m’avait fait rester tant de fois en arrêt dans mes promenades de Combray, rendissent le salon de Mme Swann aussi virginal, aussi candidement fleuri sans aucune feuille, aussi surchargé d’odeurs authentiques, que le petit raidillon de Tansonville. »
Dans une lettre à Jacques de Lacretelle, en date du 20 avril 1918, il évoque la sonate de Vinteuil et écrit : "Dans la même soirée, un peu plus loin, je ne serais pas surpris qu'en parlant de la petite phrase, j'eusse pensé à "l'Enchantement du Vendredi Saint."
Cet épisode de l'opéra wagnérien semble donc jouer un rôle capital dans La Recherche. Le célébrissime passage de la madeleine trempée dans une tasse de tilleul renvoie au héros de Wagner, ainsi que l'écrivain l'explique dans des brouillons du Temps retrouvé. L’inspiration de cet épisode aurait été ce qu’il appelle "l'illumination à la Parsifal » : « De même que je présenterai comme une illumination à la Parsifal la découverte du Temps retrouvé dans les sensations, cuiller, thé etc." Cette expression semble bien être une allusion au troisième acte de l'opéra, dans lequel le héros « atteint à la compréhension parfaite lors de l'Enchantement du Vendredi Saint". Le critique Jean-Jacques Nattiez y voit une correspondance avec l’illumination "vécue par le Narrateur en écoutant le Septuor», dans Le Temps retrouvé.
Georges de Lauris a raconté un épisode touchant de la vie de Proust : il visitait avec des amis quelque église à Coucy, et ils voulaient voir la plate-forme d’une grande tour. Proust « est monté, malgré ses étouffements et sa fatigue […]. Il montait appuyé au bras de Bertrand de Fénelon qui, pour l’encourager, chantait à mi-voix l’Enchantement du Vendredi Saint. C’était, en effet, un Vendredi Saint, avec les arbres fruitiers en fleurs sous un premier soleil. » (Le monde de Marcel Proust, André Maurois)
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Parsifal, 1882
Sources :