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10 novembre 2021 3 10 /11 /novembre /2021 14:35

Regarder la version restaurée du film Les Fleurs de Shangaï (1998) de Hou Hsiaou-Hsien, c'est entrer dans le monde clos et feutré des courtisanes chinoises de la fin du XIXe siècle, fréquenté par de hauts-fonctionnaires cantonais de la dynastie des Qing. En une trentaine de plans-séquences, séparés par des fondus au noir, nous assistons à cette vie lente qui se passe entre repas fins, Hua-Quan, variante chinoise du jeu de la mourre, conversations sur l'argent, les bijoux, et fumerie d'opium.

Dans ce monde codifié à l'extrême, où respect et dignité sont de mise, traversé parfois par les éclats d'une violence trop longtemps contenue, le sort des femmes apparaît tragique. Achetées dès leur plus jeune âge par des mères-maquerelles, elles sont éduquées et formées pour devenir des courtisanes de haute volée. Ces "fleurs" qui ont perdu jusqu'à leur nom pour ne plus être que Rubis (Michiko Hada), Emeraude (Michelle Reis), Jade (Shuan Fang) ou Jasmin (Wicky Wei), espèrent toujours racheter leur liberté ou devenir la première épouse d'un de ces hauts-fonctionnaires. Souvent, leur seule échappatoire est la mort par l'opium. Ce film, d'une grande beauté, fascinera ceux qui se laisseront prendre au charme étrange et mélancolique d'un Maître Wang (Tony Leung), partagé entre deux courtisanes aussi séduisantes l'une que l'autre. « À l’époque des mariages arrangés, la seule possibilité qu’avaient les Chinois de connaître l’amour romantique était de fréquenter des prostituées », explique le réalisateur. Mais à quel prix pour ces jeunes femmes ?

J'ai aimé ce film qui m'a fait penser à L'Apollonide, Souvenirs de la maison close, de Bertrand Bonello. C'est bien la clôture qui domine dans cet espace saturé de porcelaines, tapis et tissus, qu'asphyxie encore la fumée de l'opium. Certes, il sera demandé au spectateur une grande attention afin de déceler les infimes variations de sentiments sur les visages des personnages et deviner leurs non-dits mais, à terme, c'est l'émerveillement qui domine. Et sans doute aussi une infinie compassion pour ces femmes dont l'extrême beauté ne va de pair qu'avec la soumission la plus absolue.

 

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commentaires

M
Dans cet univers ouaté, sensuel, raffiné, cruel, la beauté et les codes sociaux sont capitaux. Un monde dans le monde. Toujours fascinant!
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C
Oui, Mansfield, c'est un monde clos, fascinant à la beauté mortifère.
N
Bonjour Catheau. J'ai regardé ce superbe film deux fois. A la première je me perdais avec les personnages. J'y ai retrouvé et des ambiances évoquées dans le roman classique chinois "Le rêve dans le pavillon rouge".
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C
Oui, c'est un film à savourer plusieurs fois et qui nous fait éprouver le complexe de Stendhal.
E
Bonjour Cathy , oui voilà un film à voir ! . Je vais essayer de le trouver en vidéo . Mon beau frère David passa chez nous et rentra hier chez lui . Bonne semaine à vous deux , Chris ,
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C
Pour ma part, je l'ai vu en replay sur ARTE. Mais c'est peut-être terminé. A bientôt au fil.

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