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10 février 2020 1 10 /02 /février /2020 18:28

Jeudi 6 février 2020, au matin, je « surfais » sur la toile afin de voir comment mon blog (ex-libris.over-blog.com) y était référencé. Et voilà que dans une rubrique consacrée au livre de Pascale de Trazegnies, intitulé Ô orchidées, j’aperçois une phrase qui fait tilt à mon oreille : « Comment naquit l’orchidée ». En cliquant sur le lien, je tombe sur Google Books et découvre que l’auteur, dans son dernier chapitre, « Coda : au commencement des temps » (pp. 248-250), y évoque deux légendes se rapportant à la naissance de la fleur.

La première raconte l’histoire d’Orchis, fils d’une nymphe et d’un satyre, qui devient l’amant d’une prêtresse de Bacchus, un acte interdit. Il est « tué, dépecé, ses attributs jetés en terre » ou bien, abandonné dans la forêt, il est attaqué par des bêtes sauvages. Toujours est-il que ses attributs ou son sang donne naissance à des orchidées.

L’autre histoire, « Comment naquit l’orchidée », est celle que j’avais écrite en mai 2009 et publiée de nouveau sur mon blog le 31 mai 2011. http://ex-libris.over-blog.com/article-comment-naquit-l-orchidee-74692695.html J’avais imaginé une version vietnamienne de la naissance de l’orchidée, sans d’ailleurs avoir jamais eu connaissance de ce lien entre l’orchidée et le thème de la renaissance. Mon Dictionnaire de la mythologie ne mentionne pas Orchis, ni le Dictionnaire encyclopédique Larousse que je possède.

J'ai ainsi découvert par hasard que ma petite légende se retrouve résumée et citée en compagnie de textes d’écrivains célèbres consacrés à l’orchidée et qu’elle clôture le livre de Pascale de Trazegnies. Quelle surprise de me retrouver ainsi dans ce très bel herbier littéraire, illustrée par Djohr, et publié aux éditions Flammarion !

Le 11 juillet 2019, sur Radio CFM, dans l’émission L’esprit rock, l’auteur répondait aux questions de Rémy Torroella et expliquait comment elle en était venue à écrire ce livre. En quête d’une habitation en Occitanie, cette Française d’adoption, issue d’une des plus anciennes familles aristocratiques de Belgique, découvre un jour « une fleur isolée, bizarre, étrange, rouge » et s’étonne que des orchidées poussent ainsi en France en liberté. Se prenant de passion pour l’orchidée, elle se met donc en quête de ce que les écrivains ont pu écrire sur cette fleur éminemment sexuelle. Courbet n’aurait-il pas pu la prendre pour peindre L’origine du monde ? Certains artistes la comparent à un sexe femelle comme Pierre Louys, d’autres à un sexe mâle. C’est le cas de Bernard Buffet qui aimait à les représenter. Et tous les termes qui la décrivent sont érotiques. Quant à son double bulbe, il rappelle une paire de testicules, d’où le nom latin orchis.

« On sera frappé par l’aspect passionnel du rapport que les écrivains entretiennent » avec cette fleur protéiforme, parfois semblable à un visage, qui apparaît monstrueuse à certains. Il y a ceux qui l’adorent, particulièrement les Symbolistes et les Décadents. Oscar Wilde ne la portait-il pas à sa boutonnière ? Et il écrivait : « C’était une adorable fleur tachetée, aussi perverse que les sept péchés capitaux. »(p. 112) A la fin du XIXème siècle, en effet, règne « l’orchidophilie » : on allait la quérir au bout du monde, jusqu’en Amazonie, on la rapportait par bateau, on la cultivait en serre en espérant qu’elle survive. Puis, cette fleur très chère devient une fleur « bourgeoise » et il y a ceux qui la détestent, comme les Surréalistes. Ainsi on lit chez Desnos : « L’orchidée et la pensée/ N’ont pas ombre de cervelle […] (p. 142) Pascale de Trazegnies, qui est aussi musicienne (elle a été la chanteuse du groupe Cos), évoque encore les chansons qui parlent de l’orchidée : « Blue orchid » des White stripes (p. 104), ou encore « Les orchidées » de Bertrand Belin : « […] Les orchidées, nouvelles venues,/ Seront des blasons à nos cœurs déçus. » (p. 196)

Ce très joli livre est illustré par Djohr. L’artiste s’est inspirée de Fleurs des serres et des jardins de l’Europe de Van Houtte, un ouvrage de botanique daté de 1845-1855. Sur un dessin de base « classique », elle a apporté sa touche personnelle. Ainsi, pour Jean Cocteau (p. 83), l’orchidée évoque la danseuse Loïe Fuller : « Elle manœuvre avec des perches des flots de voile souple, et sombre, active, invisible, comme le frelon dans la fleur, brasse autour d’elle une innombrable orchidée de lumière et d’étoffe, qui s’enroule, qui monte, qui s’évase […] » Djohr a donc, sur un fond beige constellé d’une petite étoile noire, ajouté un léger voile rouge à la fleur blanc et jaune, évocatrice de la danseuse et c’est une vraie réussite. Ses dessins possèdent la précision du botaniste et la fantaisie inventive de l’artiste.

C’est donc un livre à feuilleter, à butiner. Et l’on pense à Darwin (pp. 15-16) qui avait observé l’éperon très long de l’Etoile-de-Madagascar, pour ensuite découvrir le papillon à longue trompe « comme créé pour aider à la fécondation de cette orchidée ». Pour le scientifique anglais, « le plus grand spécimen de l’adaptation, c’est l’orchidée ». J’ai beaucoup aimé retrouver dans ce livre l’expression « faire cattleya » que Swann emploie pour évoquer métaphoriquement la possession physique d’Odette de Crécy. Ayant étudié L’Ecume des jours avec mes élèves, je ne me souvenais plus de la récurrence des orchidées dans le roman et de Chloé se parfumant « à l’essence d’orchidée bidistillée ». (p. 103)

Ainsi, des poètes chinois à Mahmoud Darwich, en passant par Léo Ferré ou Clarice Lispector (que j’ai découverte il y a deux ans), de Confucius à Rainer Maria Rilke en passant par George Sand, Ô orchidées nous entraîne dans un fabuleux voyage au pays de cette fleur « indicible », à la fois commune et très rare, « à l’image même de la vie » selon Jean-Marie Pelt. Et je ne suis pas mécontente de faire partie de ce voyage… Je crois bien que, désormais, je ne regarderai plus de la même façon nos orchidées que mon mari arrose avec attention – sinon amour - chaque semaine.

Mes orchidées (Photo ex-libris.over-blog.com)

 

Radio CFM, Entretien de Rémy Torroella avec Pascale de Trazegnies, le 11/07/2019

https://pascaledetrazegnies.com/photos/

http://www.lacauselitteraire.fr/pascale-de-trazegnies

https://www.babelio.com/livres/Trazegnies--orchidees-/1085310

 

 

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commentaires

M
Elles adorent la lumière factice des pharmacies, s'y déploient comme des reines et apportent un peu de poésie dans un univers peu ouvert à la fantaisie.
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C
Je vous imagine, Mansfield, évoluer au milieu de vos orchidées : un bel écrin !
M
Bonjour Catheau,<br /> <br /> J'admire certes les orchidées exotiques. Mais je préfère nos petites orchidées indigènes. 87 sortes rien que dans l'Aude. Elles sont si belles , si étranges. Toujours en pleine évolution. Les premières devraient s'épanouir vers la mi mars. A moins que le changement climatique ne les fasse fleurir plus tôt? certaines ont déjà leur couronne de feuilles bien étalée.<br /> Quelle jolie surprise que de se retrouver dans ce beau livre. Mais je suis étonnée qu'elle ne vous ait pas demandé la permission de publier votre texte.
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C
Martine, je préfère comme vous les orchidées sauvages que l'on découvre au détour d'une promenade. Quant à votre dernière remarque, je me la suis faite aussi...
E
Oui vos orchidées sont trés belles et en pleine forme! . Voilà un honneur de voir ton texte bien mis en valeur et bonne semaine à vous deux . Je t'embrasse ,
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C
Elles refleurissent tous les ans grâce à la "main verte" d'Alain.

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