Enfants jouant à la balle, Renoir, 1900
La cicatrice à mon genou
Entaille fine aux lèvres pâles
Surjet au tissu de la peau
Et qui me fait ressouvenir
D’un temps enfui évanoui
Quand je croyais ne pas vieillir
Samedi 4 septembre 2010
Enfants jouant à la balle, Renoir, 1900
La cicatrice à mon genou
Entaille fine aux lèvres pâles
Surjet au tissu de la peau
Et qui me fait ressouvenir
D’un temps enfui évanoui
Quand je croyais ne pas vieillir
Samedi 4 septembre 2010
Il est sorti du cimetière
Sur le gravier blanc de lumière
Les vignes vertes et mûries
S’alignaient dans l’après-midi
Il a couru vers le pêcher
Aux branches basses et penchées
D’un geste vif a détaché
La pêche ronde et l’a croquée
Et dans sa gorge a éclaté
Le jus sucré salé de larmes
Mardi 31 août 2010
Vers 6 heures du soir
Le dernier roman de l'auteur islandais Arnaldur Indridason est une lente remontée à travers des eaux gelées vers le mystère de son héros, le neurasthénique et bourru inspecteur Erlandur Sveinsson. En exergue, on y trouve une phrase que le roman va expliciter : « Le frère aîné se remit de ses engelures, mais, après l'événement, on le décrivit comme solitaire et apathique. » C'est en effet le drame originel de son enfance, la disparition de son frère puîné de huit ans au cours d'une tempête sur la lande d'Eskifjardarheidi qui permet de comprendre pourquoi le policier reprend des enquêtes anciennes et s'efforce de trouver des réponses à des disparitions jamais résolues.
Le livre s'organise autour d'une intrigue apparemment simple, le suicide d'une jeune femme. Très vite, par le biais d'une cassette remise à l'inspecteur par une amie de la victime, celui-ci part en quête du passé de la jeune femme, obsédée par la relation avec l'au-delà. Cette histoire trouve un prolongement avec d'autres enquêtes que le policier n'a cessé de suivre, et surtout avec sa saga personnelle, marquée par l'absence jamais élucidée de son propre frère, victime d'une nature sauvage : « on aurait dit que la terre l'avait simplement englouti. » Il n'est jamais parvenu à comprendre pourquoi il avait été sauvé de la tempête meurtrière et pourquoi Bergur avait péri.
Cette culpabilité originelle a fait de lui un homme « enfermé dans [ses] pensées », un mari empêché qui n'a vécu que peu de temps avec sa femme et un père quasiment absent pour un fils et une fille à la dérive. Dans le roman pourtant, on le voit renouer peu à peu avec ses enfants et même, sous l'injonction réitérée de sa fille, tenter de revoir sa femme, ignorée depuis plus de vingt ans.
Dans ce roman, plus familial que policier au demeurant, l'auteur nous donne à voir comment la nature façonne la psychologie de ses personnages et se trouve être un élément essentiel de l'intrigue. Dans une conversation avec sa fille Eva Lind, Erlendur lui dit qu'il se rend souvent dans l'Est et grimpe sur le Hardskafi. Une petite note apprend au lecteur que Harður signifie dur et skafi, entre autres, une spatule, un racloir, le nom de cette montagne suggérant ainsi l'idée d'un obstacle infranchissable, qui se dresse devant Erlandur. Harðurskafi est surtout le titre original du roman, beaucoup plus évocateur que le trop lisible Hypothermie, choisi sans doute parce qu'il relie les différentes intrigues évoquées.
Des teintes automnales du lac de Thingvellir, cadre de la mort de Magnus et de sa fille Maria, aux grands fonds du lac dUxavatan où ont disparu les jeunes David et Gudrun, en passant par la lande tragique d'Eskifjardarheidi, qui ne rendra jamais le petit Bergur, le roman tisse la palette d'un pays à la beauté froide et sauvage. Les personnages y sont des taiseux en hypothermie dont la passion ne demande qu'à être ravivée...
Mercredi 11 août 2010
Lièvre du soir, août 2010
L'autre soir sous nos fenêtres
Un lièvre est venu brouter
Des oreilles anémomètres
Le museau doux et plissé
Très longtemps il est resté
Ignorant de nos paroles
Kangourou gris enivré
Et que l'herbe verte affole
Après s'être rassasié
Le lièvre a fui dans la nuit
Indifférent étranger
A notre cacophonie
Samedi 21 août
Château de sable sur la plage de Sainte-Barbe, vendredi 27 août 2010
C'est un temps de fin de vacances
L'air est doux et humide
Il n'y a pas de vent
Pas de soleil non plus
C'est un temps de fin de vacances
Dans le lointain des sables
S'amassent des nuées
Sans jamais éclater
C'est un temps de fin de vacances
Quelque chose finit
On ne sait pas bien quoi
Et tout est suspendu
C'est un temps de fin de vacances
Et les parents regardent
D'un oeil gris et absent
L'enfant sur le manège
C'est un temps de fin de vacances
Le voilier rentre au port
Les voiles affalées
Moteur sommeillant
C'est un temps de fin de vacances
On va sur la jetée
Bateaux abandonnés
Et pontons désertés
C'est un temps de fin de vacances
Les gens sont attablés
Et respirent la mer
Sous le soleil voilé
C'est un temps de fin de vacances
Et l'on voudrait rester
Tremblant château de sable
Dans l'été condamné
Lundi 23 août 2010
Sur la plage de la Roche sèche, juillet 2010
J'ai suivi tes pas sur la plage
Je ne savais rien d'eux
Tracés mystérieux
Dessins tumultueux
Formes d'humanité
Dansant sur le mica
Et soulevant le quartz
Aux milliers d'étincelles
J'ai suivi tes pas sur la plage
J'ai suivi tes pas sur la plage
Des creux à l'aveuglette
Des cavités muettes
Des orbes silhouettes
Des méandres iodés
Aimantant le rivage
Fuyant le long des vagues
Et l'écume éblouie
J'ai suivi tes pas sur la plage
J'ai suivi tes pas sur la plage
Un dédale mouvant
Un chemin hésitant
Un chapelet tremblant
Au cri de la mouette
Et aux râles du vent
Amoureux de la dune
Ondulée et vibrante
J'ai suivi tes pas sur la plage
J'ai suivi tes pas sur la plage
Des empreintes perdues
Des traces impromptues
Des signes ambigus
Des marques éphémères
D'ondoyantes ornières
Serpentant dans les algues
Parmi les coquillages
J'ai suivi tes pas sur la plage
J'ai suivi tes pas sur la plage
Un cordon enivré
Un ceinturon tressé
Un collier enserré
Un alphabet secret
Un livre refermé
Sur notre amour tué
Aux souffrances marines
J'ai perdu tes pas sur la plage
Jeudi 19 août 2010
Pour papierlibre.over-blog.net
Thème : des pas sur la plage
Pendant la tonte, juillet 2010
Dans l'herbe de l'été
Loin des fourches caudines
De la lame assassine
La grenouille rumine
Dans l'herbe de l'été
La grenouille a sauté
Pendant la tonte, Août 2010
Avec cette « autobiographie impersonnelle », ainsi qu'elle qualifie son oeuvre, Annie Ernaux entreprend une recherche du temps perdu, qui se situe entre 1941, l'année de sa naissance, et la première décennie du XXIème siècle. Et l'on ne peut qu'admirer la manière dont elle a conçu ce livre, dont ses contemporains reconnaîtront la justesse et l'émotion. Aiguillonnée par sa conscience aiguë de l'éphémère, persuadée que « toutes les images disparaîtront », avant que ce ne soit « le silence et aucun mot pour le dire », avant de ne plus « être qu'un prénom, de plus en plus sans visage, jusqu'à disparaître dans la masse anonyme d'une lointaine génération », elle prend la plume pour dire ce que furent ses années, enregistrées « rien qu'en vivant » et en étant une femme dans ce temps-là. Ne reconnaît-elle pas que, tourmentée par une certaine image de la femme, sa vie ressemble au tableau de Dorothea Tanning, Anniversaire, représentant une femme à la poitrine nue , avec derrière elle une enfilade de portes entrebâillées », comme autant de mises en abyme?
Au-delà de la sensation brute, de l'accession à un « temps palimpseste », impuissant à « sauver sa circonstance », elle découvre en une intuition proustienne ce que sera la forme si longtemps cherchée de son livre, : elle gît dans la sensation éprouvée lors d'une opération des amygdales après la guerre ou dans un bus à Paris en juillet 68, quand « il lui semble se fondre dans une totalité indistincte, dont elle parvient à arracher par un effort de la conscience critique, un à un les éléments qui la composent, coutumes, gestes, paroles, etc. le minuscule moment du passé s'agrandit, débouche sur un horizon à la fois mouvant et d'une tonalité uniforme, celui d'une ou de plusieurs années. » Le souvenir personnel seul ne vaut pas cette « sorte de vaste sensation collective, dans laquelle sa conscience , tout son être est pris. »
C'est sans doute dans cette manière d'unanimisme moderne que se trouve la grande réussite d'un ouvrage qui fait de son auteur le reflet d'une époque, la caisse de résonance du « mouvement des idées, des croyances et de la sensibilité » de celle-ci. L'emploi de « l'imparfait continu », l'absence du « je » au profit du « nous » et du « on », les « arrêts sur mémoire » des photos ou des films, contribuent à créer l'image d'une femme singulière, non tant par les éléments sociaux externes de sa vie, non plus que par ses éléments psychologiques internes, mais bien « par leur combinaison, unique en chacun ». Et aux aspects successifs de sa personnalité répond le « elle » de l'écriture. Si la langue demeure certainement pour l'écrivain l'instrument qui permet d'agir et de se révolter, il y a surtout, chez celle qui « ne se sent nulle part seulement dans le savoir et la littérature », le désir fou de s'emparer de la lumière des visages disparus, celle qui baignait son enfance et qui a éclairé toute son existence.
Car la beauté du livre réside dans cette évocation subtile d'un temps « que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître » et qui touchera au plus profond ceux qui ont la soixantaine. Elle prend racine dans les repas dominicaux, là où s'élabore pour l'auteur le récit familial et social, celui qui parle de la guerre et des origines, l'endroit où la folie peut survenir et qui peut à tout moment devenir la scène de Festen.
Associant avec art le procédé de l'accumulation et le commentaire, le récit offre au lecteur une traversée détaillée de la seconde moitié du XXème siècle et du début du XXIème siècle. Les sexagénaires pourront y retrouver les difficultés de l'après-guerre, quand « on vivait dans la rareté de tout »; la naissance de la société de consommation, quand « la pub était la monitrice culturelle de la société » ; l'émancipation et la réussite sociale par les études, quand « il fallait « entrer » dans l'enseignement, à la Poste ou à la SNCF, chez Michelin, Gillette, dans les assurances : "gagner sa vie " » ; la baisse de la pratique religieuse, quand « la religion catholique s'était effacée sans tapage du cadre de vie ». Dans le maëlstrom des guerres d'Indochine et d'Algérie, ils se rappelleront leurs premiers émois amoureux, « quand la honte ne cessait pas de menacer les filles », et les mouvements de libération de la femme, quand « un sentiment de femme était en train de disparaître, celui d'une infériorité naturelle ». A travers l'évocation d'une publicité, d'un film ou d'une chanson, leur jeunesse, leurs utopies, leurs déceptions leur sauteront à la figure.
Livre-miroir, reflet fidèle et vibrant de la génération des années 1940, Les Années est le livre qu'on aurait aimé écrire, afin d'exister encore un peu quand on ne sera plus rien.
Jeudi 19 août 2010
Tatiana Papamoskou, dans Ifigenia de Michel Cacoyannis (1977)
Princesse achéenne
Enfant de Mycènes
Au soleil d’Aulis
Moi j’étais venue
Douce et innocente
Epouser Achille
La flotte endormie
Sommeillait à l’ancre
Oubliée d’Eole
Maintenant
Me voilà perdue
Exilée au pied
De l’escalier de pierre
Aux joints mal équarris
1
Je ne danserai plus
Au bras de mes compagnes
Dans la fraîcheur des soirs
2
Je ne mangerai plus
Rondes olives noires
Sous les feuillages absinthe
3
Je ne sourirai plus
Avec mes frère et sœur
Aux marches du palais
4
Je monte vers l’autel
Où mon père m’appelle
Avec son masque d’or
5
Je tremble sur les marches
Où le prêtre m’attend
Et son stylet d’argent
6
Ô triste Iphianassa
Sacrifiée sans larmes
Aux vents noirs de la guerre
Samedi 24 juillet 2010
Escalier corse, Martine Girard
Pour papierlibre.over-blog.net
Sur une photo représentant un vieil escalier de pierre
Tigre, Barye, fondeur Barbedienne
Chat du matin…
A l’orée des maïs rangés en fantassins
Aimanté par le jaune des tournesols hautains
Un grand chat impérial indolent et félin
Fildefériste noir sur l’acier du chemin
Sur la route, 8h30 du matin
Chat, Botero
Vendredi 23 juillet 2010