Pour la communauté de Hauteclaire, Le Week-End du Petit Patrimoine, je vous emmène au château de Marson, dans les environs de Saumur. L’hiver, quand on arrive par la plaine, on aperçoit de loin ses pinacles et ses hautes cheminées de tuffeau à travers les arbres dépouillés.
Dominant la petite église Sainte-Croix et son cimetière à l'atmosphère paisible, le château, en dépit d'une très importante restauration au XIXe siècle, ne peut manquer de faire rêver.
En effet, très ancien habitat gallo-romain, le village de Marson est un ancien fief et seigneurie qui relevait de la Tour de Ménives, située à quelques kilomètres. Il fut la propriété de grandes familles françaises : les familles de la Grézille (XIIe-XVe siècles), Quatrebarbes (1481-1644), Maillé-Brézé au XVIIe, Bourbon (1650-1747) et Baillou de la Brosse (1814-1915).
Certains historiens font remonter l’origine du château au Xe siècle. En 1635, le château passe à Urbain de Maillé-Brézé, époux de Nicole du Plessis, sœur cadette du cardinal de Richelieu. Leur fille, Claire-Clémence de Maillé-Brézé, épouse en 1641 Louis II de Bourbon, prince de Condé, dit le Grand Condé, qui devient par cette alliance seigneur de Marson. On dit que le curé de Chétigné eut parfois maille à partir avec ces seigneurs « qu’on voit sans cesse s’élever et prétendre contre ses droits ».
En 1600, il y avait deux moulins dans le parc. A cette époque, le seigneur de Marson avait droit de moyenne justice et possédait un gibet à deux piliers. Mais, en 1798, le château de Marson n’est plus que l’ombre de lui-même. Il n’existe plus qu’ « une chambre basse à feu, une chambre haute avec cheminée au-dessus, deux petites chambres à côté… ; au haut de la cour, est une grange et plusieurs gardes monceaux ; au-dessous, sont des écuries, une boulangerie sous le roc et plusieurs caves et caveaux, grande porte sous laquelle existe un ancien pigeonnier ».
En 1814, la famille Baillou de la Brosse rachète et transforme complètement le domaine. De 1850 à 1865, sous la direction de l’architecte Joly-Leterme, le château est reconstruit sur les bases d’autrefois, notamment aux angles sud et sud-ouest. Le cours du ruisseau, longeant le parc à l’ouest, est détourné, les anciens moulins détruits et on édifie de nouvelles servitudes à la place des anciennes.
En 1913, la propriété est vendue à Henri Fricotelle, un industriel qui s’était enrichi en fabriquant un papier à cigarettes de luxe, vendu en Amérique. Il modernise encore le monument de 1924 à 1926. L’architecte Claudon conçoit alors le portail monumental avec créneaux et mâchicoulis, décoré de pampres par le sculpteur Voisine.
En 1927, Fricotelle fait construire dans le parc une piscine, inspirée de l’architecture thermale antique et de la colonnade en hémicycle de Hardouin-Mansart à Versailles, dans l’esprit Art Déco. Œuvre de l’architecte saumurois Pierre-Jean-Victor-Brunel, elle est décorée d’une mosaïque, créée par Isidore Odorico, qui réalisa notamment la façade et l’intérieur de la Maison bleue à Angers.
C’est Urbain de Maillé-Brézé (1598-1650) qui est le propriétaire le plus original et le plus célèbre de ce château. En 1626, il assoit sa puissance en devenant Gouverneur de Saumur et du Pays saumurois. Son domaine s’étend alors de Grésillé et Montsabert jusqu’à Rou, sans oublier Brézé et ses environs. C’est à cette époque qu’il achète Marson à René de la Dufferie. On raconte qu’il aurait fait condamner ce dernier pour révolte, afin de s’emparer de ses biens.
Tallemant des Réaux n’est pas tendre pour celui qui devient maréchal de France en 1632 : « Je n’ay que faire de dire que ce n’estoit ny un bon soldat ny un bon capitaine : l’histoire le dira. » Mais le cardinal de Retz reconnaît qu’il était bien en cour : « Il estoit assez gousté du Roy, et se permettoit souvent auprès de Sa Majesté des tirades contre les plus grands personnages. » Impatient, Urbain de Maillé-Brézé ne supportait guère les longues cérémonies et c’est ainsi qu’il quitta sans vergogne le mariage de sa fille. Quant au cardinal, il tolère ce remuant beau-frère au franc-parler parce qu’il ne redoute aucune trahison de sa part.
Le possesseur du château de Marson passe encore pour avoir été un grand séducteur. C’est à dix-neuf ans qu’il tombe fou amoureux de la belle Nicole du Plessis, son aînée de dix années. En 1619, celle-ci devient dame d’honneur de la reine en remplacement de la Galigaï. Mais elle se languit vite d’une sorte de « folie douce » et vit recluse au château de Saumur. Ecoutons Tallemant des Réaux nous parler d’elle dans ses Historiettes : « Cette femme estoit folle, et elle est morte liée, ou du moins enfermée. Elle croyoit avoir le cul de verre et ne vouloit point s’asseoir. » L’écrivain raconte encore qu’elle croyait avoir « froid à un petit endroit au-dessus de la main » et qu’elle passait son temps à vouloir essayer de la réchauffer avec des gouttes de résine ».
Son époux entretiendra une relation passionnée avec Honorée Lebel de Bussy, une adolescente de douze ans, qui demeure chez sa tante, la sénéchale de Maliverné. Elle sera détrônée par sa dernière conquête, Renée Pommier, dite « La Dervois ». Selon Tallemant toujours, elle avait une grande emprise sur son amant et paradait devant la maréchale : « Une des choses qui servit à achever la grande Nicole, ce fut que le Mareschal luy osta ses pendants, et les mit en sa présence aux oreilles de la Dervois ».
Tel fut ce personnage haut en couleurs, Urbain de Maillé-Brézé, maréchal de France et grand amateur de femmes, propriétaire un temps du château de Marson, et gouverneur de Saumur, « seul lieu d’Anjou, le plus cher à [son] cœur ».
Urbain de Maillé, marquis de Brézé, maréchal de France, Jérôme-Martin Langlois
Sources :
http://www.communes-française.com/49/rou-marson/
http://www.annuaire-mairie.fr/monument-historique-rou-marson.html
http://www.patrimoine-de-france.org
http://saumur-jadis.pageperso-orange.fr Le site passionnant de Henri Denécheau sur l’histoire de Saumur
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