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12 novembre 2012 1 12 /11 /novembre /2012 12:19

      Mademoiselle C

      Jean (Vincent Lindon) et Véronique Chambon (Sandrine Kiberlain), écoutant Le salut d'amour d'Edward Elgar

(Photo Allo-Ciné)


Hier soir, dimanche 11 novembre 2012, sur ARTE, Isabella Rossellini présentait Mademoiselle Chambon (2009) de Stéphane Brizé. Comparant le cinéma américain et le cinéma européen, elle disait que ce dernier avait l’art d’évoquer « le dramatique dans le quotidien ». C’est cet art que le réalisateur de Je ne suis pas fait pour être aimé (un film que j’avais déjà beaucoup aimé) pratique de nouveau avec ce long métrage, adapté d’une nouvelle éponyme d’Eric Holder, un écrivain lillois. Il continue en effet d’y égrener cette petite musique tendre et mélancolique qui lui est propre.

Avec ce film, il raconte l’histoire toute simple de Jean, un maçon, interprété par Vincent Lindon, marié à Anne-Marie, une ouvrière d’usine (Aure Atika, délicate et juste). A la faveur d’une intervention dans la classe de son fils Jérémy (Arthur le Houérou), des liens se créent entre lui et l’institutrice du petit garçon, Véronique Chambon (Sandrine Kiberlain). Il découvre alors un monde inconnu qui se déploie grâce au violon que pratique la jeune femme.

Stéphane Brizé explique ainsi ce qui lui a plu dans le travail d’adaptation réalisé avec Florence Vignon et l’auteur : « C’est effectivement une histoire simple. Ce n’est donc pas l’intrigue qui m’a happé mais la manière dont Eric Holder traduisait les émotions de ces gens modestes. Avec ses outils de romancier, il parlait de ces personnes avec une fragilité et une émotion qui semblaient me dire : « Voilà ce que tu dois filmer, c’est à cela que tu dois oser te confronter. » » Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec le concours de trois comédiens sensibles et pudiques, il a tenu cette gageure.

Ainsi, j'ai beaucoup aimé la scène d'ouverture du film où la famille de Jean fait un pique-nique. Son fils fait un devoir de français et s'affronte au problème du complément d'objet direct. Les parents calent aussi devant l'exercice ; si la scène est amusante, elle est pourtant, me semble-t-il, d'une extrême justesse, mettant le doigt sur l'inégalité de fait que peut créer l'absence de savoir. 

Certains ont reproché à ce film d’être minimaliste, pauvre en dialogues, voire ennuyeux. C’est pourtant cette extrême économie de moyens qui fait le charme de ce long métrage où un homme modeste et taiseux tombe amoureux d’une jeune femme instable, en quête d’autre chose. Vincent Lindon a très vite été pressenti pour jouer ce rôle, lui qui sait si bien exprimer l’humanité profonde de ses personnages. Il a accepté de jouer cette histoire avec Sandrine Kiberlain, dont il est désormais séparé, ne voulant pas la priver d’un aussi beau rôle. C’est peut-être cela, cet amour qui a existé entre eux, qui donne sa crédibilité au couple qu’ils forment à l’écran. Il faut pouvoir la jouer cette scène où ils écoutent tous deux Le salut d’amour d’Edward Elgar et dans laquelle se révèle leur attirance réciproque. Pleine de douceur, de retenue, de non-dits, c’est une scène magnifique.

Avec In the mood for love ou Sur la route de Madison, ils sont assez rares les films qui évoquent avec justesse « une rencontre entre deux êtres qui se sont ratés ». Mademoiselle Chambon, avec discrétion, trouve une place de choix dans cette étroite liste

 mademoiselle-chambon-.jpg

Mademoiselle Chambon au violon (Sandrine Kiberlain)

(Photo Allo-Ciné)

 

 

 

 


 

 

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commentaires

S
Bonjour,<br /> Je ne souhaitais pas répondre à votre article sans regarder le film que j'avais enregistré. Et si je tais mes a-priori sur les moeurs, j'avoue avoir été sensible à ces portraits, l'homme, manuel et<br /> la femme, dans l'enseignement. Impatiente, j'ai eu un peu de mal avec la lenteur des scènes, puis j'ai été conquise par leur pudeur amoureuse. Adieu morale, vive l'amour! Je me suis réconciliée<br /> avec cet amant si mesuré, si introverti, si attentif à la fin de ce film que je conseille à tous vos lecteurs. A bientôt. Suzâme
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C
<br /> <br /> Merci, Suzâme, de ce long commentaire, précis comme d'habitude. Il me semble que, dans ce film, les deux personnages féminins sont justes. La pudeur : un mot qui résume bien ce film, en effet.<br /> <br /> <br /> <br />
M
Un film que je n'ai pas vu. Deux acteurs que j'apprécie beaucoup.<br /> Excellent compte-rendu qui incite à découvrir, comme d'habitude.<br /> Merci Catheau<br /> Martine
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C
<br /> <br /> Je vous souhaite, Martine, de voir ce film nuancé et subtil quand vous lâcherez la plume ou le pinceau. Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
J
un film que je n'ai pas pu voir. J'en aurai peut-être une autre occasion. les critiques ont tendance à critiquer ce qui les dérange. Tu donnes vraiment envie de le voir et le choix des acteurs est<br /> de toutes façons un gage de qualité.<br /> La vie ordinaire est emplie de gens qui se ratent<br /> bises et belle journée
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C
<br /> <br /> En général, je ne parle que des livres ou des films que j'ai aimés. Tant mieux, Jeanne, si je réussis à transmettre ce que j'ai ressenti. A bientôt sur vos pages.<br /> <br /> <br /> <br />
C
A vous lire, je regrette de ne pas avoir vu ce film. Une erreur qui pourra peut-être se "rattraper" un jour...
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C
<br /> <br /> Un film, tout en nuances, qui repassera sûrement à la télévision. Amitiés.<br /> <br /> <br /> <br />
D
Etant prévenu du rythme de cette histoire, je me suis bien laissé prendre par un jeu d'acteurs assez subtil. Bises Dan
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C
<br /> <br /> Comme vous le dites, Dan, des acteurs tout en finesse. Heureuse de vous lire à nouveau.<br /> <br /> <br /> <br />
F
bonne semaine
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C
<br /> <br /> Merci, Flipperine, dans le brouillard d'automne.<br /> <br /> <br /> <br />
D
merci, Catheau, j'ai beaucoup aimé ce film hier soir et tu en parles très bien!
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C
<br /> <br /> Merci, Dominique. Un film, "sans rien qui pèse ou qui pose".<br /> <br /> <br /> <br />

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