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24 octobre 2009 6 24 /10 /octobre /2009 19:20

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Du 20 septembre au 08 novembre 2009, sont exposés à Léméré au château du Rivau, des bronzes posthumes de Camille Claudel (1864-1913), appartenant à la collection particulière de sa petite-nièce, Reine-Marie Paris.

Dans la Chambre des Dames, au premier étage de ce château qui abrita un temps les amours tumultueuse de Rodin et de sa jeune élève, les bronzes de petite taille sont exposés, tous volets intérieurs fermés.

Passée la première surprise de cette obscurité de caverne, le regard s’habitue et se fait à ce noir où les sculptures irradient. Il s’attarde sur les bronzes, éclairés avec subtilité par les soins du commissaire de l’exposition, Gérard Bouté, auteur d’un livre sur la folle de Mondevergues, intitulé Camille Claudel, le miroir et la nuit.

Certaines des pièces sont connues, répliques de La Valse ou de Sakountala ; d’autres sont des découvertes, comme ces têtes d’enfants rieurs.

Devant le groupe de La Valse, on pense à l’article d’Octave Mirbeau, retrouvé dans les archives de Paul Claudel, et qui est admirable de justesse et de sensibilité :

« Mademoiselle Camille Claudel s’est hardiment attaquée à ce qui est peut-être le plus difficile à rendre par la statuaire : un mouvement de danse. Pour que cela ne devienne pas grossier, pour que cela ne reste pas figé dans la pierre, il faut un art infini. Mademoiselle Claudel possède cet art.

Enlacés l’un à l’autre, la tête de la femme adorablement penchée sur l’épaule de l’homme, voluptueux et chastes, ils s’en vont, ils tournoient lentement, presque soulevés au-dessus du sol, presque aériens, soutenus par cette force mystérieuse qui maintient en équilibre les corps penchés, les corps envolés, comme s’ils étaient conduits par des ailes. Mais où vont-ils, éperdus dans l’ivresse de leur âme et de leur chair si étroitement jointes ? Est-ce à l’amour, est-ce à la mort ? Les chairs sont jeunes, elles palpitent de vie, mais la draperie qui les entoure, qui les suit, qui tournoie avec eux, bat comme un suaire. Je ne sais pas où ils vont, si c’est à l’amour, si c’est à la mort, mais ce que je sais, c’est que se lève de ce groupe une tristesse poignante, si poignante qu’elle ne peut venir que de la mort, ou peut-être de l’amour plus triste encore que la mort. »

L’amour plus triste que la mort, c’est celui que vécurent Rodin et Camille et toute l’œuvre de la sœur de Paul Claudel est marquée par cette  relation  créatrice et passionnée. Le beau film, empreint d’émotion, qui est diffusé aux visiteurs dans la salle de L’Oratoire, relate l’existence tragique d’une femme, adonnée toute entière à son art, et dont le monde ne sut pas reconnaître le génie. Internée à Mondevergues pendant des années, abandonnée de tous, on frémit à la pensée de cette femme exceptionnelle, continuant à triturer la pierre friable de la prison de sa démence; la recluse qui ne reçut qu’une dizaine de fois la visite de celui qu'elle avait chéri, dont elle avait sculpté le buste en façon d'empereur romain, son diplomate et écrivain de frère, le "grand" Paul Claudel !

Le 24 octobre 2009

 


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