Le 11 décembre 2010, on fêtera le bicentenaire de la naissance de Louis Charles Alfred de Musset, né à Paris au 33, rue des Noyers (aujourd’hui, 57, boulevard Saint-Germain).
C’est l’occasion de lire ce poème de Valère Gillé, extrait de Les Tombeaux, publié à Bruxelles en 1900, et qui donne du poète l’image la plus connue, sinon la plus convenue.
Souvenez-vous : la brise est charmeuse et câline ;
La nuit est dans le parc comme un enchantement,
Et parmi les velours de l’ombre, en s’endormant,
La lune dans les fleurs et les feuilles s’incline.
Sous le balcon d’Agnès, de Laure ou de Zerline
Il chante : c’est la voix de l’éternel amant.
Le ciel de cristal tinte, et langoureusement
Dans un rêve d’amour vibre la mandoline.
Mais l’infidèle a clos ses volets ; et son cœur
Reste sourd à l’appel ardent, tendre ou moqueur
Du page qui l’implore et soupire pour elle.
Soudain il rit, d’un rire ironique et falot,
Et ses doigts plus nerveux pincent la chanterelle,
Qui pleure, s’exaspère et rompt dans un sanglot.
Car Musset, le poète romantique par excellence, est celui-là même qui écrivait dans la dédicace de La Coupe et les Lèvres :
[Mais] je hais les pleurards, les rêveurs à nacelles,
Les amants de la nuit, des lacs, des cascatelles,
Cette engeance sans nom, qui ne peut faire un pas
Sans s’inonder de vers, de pleurs, et d’agendas.
Cette dédicace est riche d’enseignements : Musset, qui y tente de définir ses goûts et ses méthodes, en arrive à une seule conclusion, le doute. Ce déchirement interne, au cœur d’une œuvre d’une grande variété, sera mis en lumière dans La Nuit de décembre (décembre 1835), long poème où le narrateur met en scène cet « étranger vêtu de noir », qui lui ressemble « comme un frère ». Ce phénomène d’autoscopie, au-delà du thème du double, correspond à un trait fondamental de l’écrivain, la multiplication des voix : Coelio et Octave l’expriment dans Les Caprices de Marianne (1833) mais c’est le personnage de Lorenzo de Médicis, dans Lorenzaccio (1834), qui l’illustrera de la manière la plus magistrale.
Gérard Philipe dans Lorenzaccio
Jeudi 30 septembre 2010